Le CEDIN
Par la loi n° 26.860 promulguée le 31 mai 2013 portant amnistie de la possession de devises étrangères sur le territoire national et à l’étranger, l’Etat argentin cherche à permettre la réintroduction dans le circuit économique officiel des devises étrangères non déclarées.
- Le contexte économique
Alors que la menace de déflation pèse sur l’économie européenne, l’Argentine souffre de l’inflation. En conséquence de cette inflation, une fuite des capitaux s’est produite, chacun cherchant à se préserver par le refuge dans une monnaie stable. Le gouvernement a répondu à cette fuite des capitaux par un contrôle des changes, mis en place à la fin de l’année 2011 et progressivement durci. Conséquence habituelle de ces mesures de « répression financière », le marché dit « informel » est devenu incontournable. L’écart entre le dollar à sa valeur officielle et le dollar dit « blue », c’est-à-dire celui que l’on peut acheter au marché noir était ainsi supérieur à 50 pour cent au moment de la mise en place de l’amnistie fiscale (le premier se négociant aux environs de 5,30 pesos argentins au marché officiel et de 8,20 pesos au marché parallèle ; les montants début mars 2015 étaient respectivement de un peu plus de 8,75 pesos et de un peu moins 13 pesos).
Par ailleurs, compte tenu de l’histoire agitée du pays, il est d’usage de régulariser l’ensemble des ventes immobilières en utilisant la devise nord-américaine comme unité de compte mais également de paiement. Le contrôle des changes faisant son office, l’obtention de dollars devenant impossible ou très coûteuse, les ventes sont progressivement devenues difficiles à réaliser et le marché immobilier s’est trouvé paralysé, les transactions ayant semble-t-il diminué de moitié ou des trois quarts selon les sources, les lieux et les biens.
C’est dans ces conditions que l’Etat argentin a mis en place une amnistie fiscale permettant aux personnes détenant irrégulièrement des dollars de les échanger contre deux nouveaux instruments financiers, d’une part le bon argentin d’épargne pour le développement économique (BAADE) et surtout le certificat de dépôt pour l’investissement (CEDIN), intégralement remboursables en dollars lorsqu’ils seront présentés à un établissement financier. L’objectif est ainsi de réintroduire ces devises thésaurisées dans le circuit normal de l’économie en les affectant notamment au marché immobilier particulièrement sinistré.
- Le régime juridique du CEDIN
Le CEDIN est réglementé tout d’abord par la loi n° 26.860 précitée mais également les règlements d’applications émis par l’administration fiscale (Resolución general 3509 de l’AFIP du 6 juin 2013) et, surtout, la Banque centrale de la République argentine (BCRA) (notamment comunicaciones « A » 5437 du 12 juin 2013, « A » 5438 du même jour, « A » 5613 du 7 août 2014 et « A » 5628 du 3 septembre 2014) .
- La loi n° 26.680 du 30 mai 2013
La loi pose les règles générales concernant le CEDIN (et le BAADE) et précise les conditions dans lesquelles la déclaration de détention irrégulière de devises permettra d’ouvrir le bénéfice de l’amnistie fiscale.
Elle habilite la BCRA à émettre les CEDIN, dont il est précisé qu’ils seront nominatifs et endossables, et destinés exclusivement au paiement de dettes en dollars américains pour certaines opérations de type immobilier limitativement énumérées, dans des conditions à préciser là encore par la BCRA.
L’Administration fédérale des recettes publiques – AFIP – est compétente pour prendre des règles supplémentaires qui sont nécessaires pour l’application de l’amnistie fiscale proprement dite.
Peuvent bénéficier de l’amnistie toutes les personnes qui souhaitent déclarer spontanément la possession de devises étrangères en Argentine ou à l’étranger. Dans le cas où les devises étrangères se trouvent déjà en Argentine, la procédure de déclaration s’effectuera par le dépôt des devises auprès d’une entité financière Si les devises se trouvaient à l’étranger, la déclaration serait effectuée par le transfert en Argentine par le biais des mêmes entités financières.
La loi précise que les fonds déclarés sont évalués selon le taux de change arrêté par la BCRA (valeur d’achat) à la date de la déclaration.
Ne peuvent bénéficier des avantages prévus par la loi, que les contribuables ayant observé les obligations en matière de déclaration et de paiement des principaux impôts. Sont en outre exclues du bénéfice de l’amnistie les personnes ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, accusées ou poursuivies pour crimes ou délits de nature fiscale, pour crimes ou délits de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme et celles qui exercent ou ont exercé un mandat public.
La portée de l’amnistie fiscale est la suivante :
- La somme déclarée en monnaie étrangère évaluée en pesos argentins n’est soumise à aucune taxation.
- Les déclarants ne sont pas tenus d’informer l’AFIP, sous réserve du respect de la loi n° 25.246 sur le blanchiment d’argent et autres obligations leur incombant, de la date d’acquisition des avoirs ni de l’origine des fonds qui ont servi à les acquérir.
- Les déclarants sont, de manière générale, protégés contre toute action civile, commerciale ou pénale, l’AFIP et la BCRA ne devant pas poursuivre en ce cas les infractions pénales commises en matière fiscale et cambiaire.
- Les déclarants ne sont pas soumis à l’impôt qu’ils auraient omis de déclarer, dans certaines conditions.
Enfin, le pouvoir exécutif est habilité à prolonger le délai pendant lequel l’amnistie est ouverte, devant initialement expirer le 30 septembre 2013.
- Le règlement (resolucióngeneral) 3509 de l’AFIP du 6 juin 2013
Le règlement vise pour l’essentiel à préciser les conditions dans lesquelles les déclarants pourront bénéficier de l’amnistie. Il s’agit de règles concernant donc qui souhaite souscrire un nouveau CEDIN pour en bénéficier et non simplement utiliser un CEDIN.
- La circulaire (comunicación) « A » 5437 de la BCRA du 12 juin 2013
Cette circulaire détaille les conditions de délivrance et d’utilisation des CEDIN.
La présentation du CEDIN est minutieusement détaillée, notamment en ce qui concerne les mesures de sécurité visant à empêcher la production de faux certificats.
La circulaire clarifie la question cruciale de l’endos, permis sans limite et sans autre formalité que l’apposition d’une signature, la mention de quelques éléments d’identification et d’un domicile sur le dos du CEDIN et la remise du certificat.
Un point clé est celui de la destination des CEDIN dont le gouvernement argentin entend qu’il soit affecté au marché immobilier – au sens large – et non à une autre destination. En conséquence, les établissements bancaires et financiers sont amenés, sous le contrôle de la BCRA à « approuver » l’usage des CEDIN. Cet usage sera celui de l’achat de terrains, lots ou parcelles, urbaines ou rurales, d’entrepôts, de locaux, de garages ou d’habitations déjà construites, la construction d’habitations neuves, la rénovation, l’agrandissement ou l’amélioration d’immeubles et pourra inclure l’achat de matériaux pour la construction. Si les pièces justificatives sont dûment fournies, le CEDIN sera revêtu de la mention « approuvé » (« aplicado ») et la BCRA sera informée. La formalité de l’« approbation » ne doit être réalisée qu’une unique fois.
Si le CEDIN apparaît régulier en la forme et est « approuvé », il pourra être échangé contre des dollars américains payables par les établissements bancaires et financiers.
Les établissements bancaires et financiers sont habilités à « faire de la monnaie », c’est-à-dire à échanger un CEDIN pour d’autres d’une dénomination inférieure pour un montant total équivalent.
La BCRA est ponctuellement tenue informée de l’état de situation des CEDIN, la collecte et la transmission de ces informations étant à la charge des établissements bancaires et financiers.
Enfin, la circulaire indique que les établissements bancaires et financiers ne pourraient percevoir aucune commission, remboursement de frais ou rémunération aucune en contrepartie de leurs obligations en matière de CEDIN et que les CEDIN ne porteraient pas intérêt et n’auront aucune date de péremption.
- La circulaire (comunicación) « A » 5438 de la BCRA du 12 juin 2013
Cette circulaire détaille les conditions dans lesquelles d’autres devises que les dollars américains peuvent faire l’objet de l’amnistie fiscale : euros, livres sterling, yens et francs suisses.
- La circulaire (comunicación) « A » 5613 de la BCRA du 7 août 2014
Cette circulaire autorise les établissements financiers à percevoir des commissions pour les opérations portant sur les CEDIN, dans le but d’inciter à l’utilisation de ces instruments.
- La circulaire (comunicación) « A » 5628 de la BCRA du 3 septembre 2014
Cette circulaire vise entre autres à rendre plus rapide les transactions par la constitution à l’avance des dossiers des déclarants par les institutions financières et à clarifier ou étendre les conditions dans lesquelles les CEDIN peuvent être utilisés pour la construction de nouveaux logements, la constitution de fiducies, l’acquisition de matériaux, enfin à favoriser la transmission des CEDIN.
* * *
L’utilisation du CEDIN, bien que peu connue notamment des étrangers, peut s’avérer particulièrement efficace dans le cadre d’opérations d’acquisition de biens immobiliers où l’on pourrait, sous certaines conditions, utiliser ce moyen de paiement après avoir acquis les CEDIN avec une décote significative sur le marché secondaire.
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