La nouvelle loi Nº 26.737
LA NOUVELLE LOI Nº 26.737 REGLEMENTANT ET LIMITANT L’ACQUISITION ET LA POSSESSION DES TERRES RURALES PAR DES ETRANGERS : APRES ONZE DES VINGT-TROIS PROVINCES, LES PROVINCES DE SANTA FE, LA RIOJA, NEUQUEN ET BUENOS AIRES REGLEMENTENT A LEUR TOUR LES « EQUIVALENCES »
L’Argentine est dirigée depuis plusieurs années par le mouvement péroniste volontiers nationaliste. A cet égard, le Gouvernement s’est fixé comme objectif de protéger la souveraineté nationale et la propriété du peuple argentin sur les « ressources stratégiques non renouvelables » que sont les « terres rurales » (tierras rurales).
En conséquence, la loi nº 26.737 promulguée le 27 décembre 2011 et son décret d’application nº 274/2012 publié le 28 février 2012 ont pour objectif explicite de réglementer l’acquisition et la possession des terres rurales par des étrangers.
- L’état des lieux
Afin de mettre en œuvre la Loi, le gouvernement a entrepris un important travail d’inventaire dont les résultats ont été présentés en juillet 2013. Il apparaît :
- Que 95,88 % de la superficie du pays est constitué de terres rurales ;
- Que seulement 5,93% des terres rurales argentines sont aux mains d’étrangers ;
- Que dans aucune des provinces le seuil fixé par la loi n’est dépassé ;
- Qu’il est dépassé dans 49 des 569 divisions sub-provinciales.
A qui s’étonnerait de ce résultat et penserait que le législateur argentin a usé son énergie à réglementer un problème somme toute limité, on répondra que la présidente Kirchner avait à l’avance souligné le profond manque d’information de l’Etat sur la propriété foncière rurale, tous les registres de propriété étant tenus par les provinces. La création par la Loi du Registre national des terres rurales (Registro Nacional de Tierras Rurales) rattaché au ministère de la Justice, auteur du rapport précité, constitue de ce point de vue une avancée.
- Les textes
La Loi établit quatre limitations essentielles, afin :
- Que les étrangers ne possèdent pas plus de 15 % des terres rurales au niveau national, mais aussi de chaque province et de chaque division sub-provinciale dans le territoire desquelles se trouve le bien immobilier ;
- Que les ressortissants d’une même nationalité ne possèdent pas plus de 4,5 % des terres rurales dans chacune des mêmes divisions ;
- Qu’un même étranger ne soit pas propriétaire de plus de mille hectares ou son équivalent ;
- Qu’un étranger n’acquière pas de terres rurales contenant ou limitrophes à certaines réserves hydriques ou situées dans les zones de sécurité frontalières.
Ne sont pas soumises aux restrictions de la Loi les personnes physiques de nationalité étrangère :
- Qui justifient de dix ans de résidence continue dans le pays ;
- Qui ont des enfants argentins et justifient d’une résidence continue de cinq ans ;
- Qui sont mariées à un citoyen argentin depuis au moins cinq ans avant l’acquisition des terres rurales et justifient d’une résidence continue de la même durée.
En revanche, la Loi considère comme étrangères les sociétés de droit argentin dès lors que des étrangers contrôlent ¼ du capital ou une fraction suffisante pour détenir le pouvoir de décision.
Enfin, la rédaction de la Loi est suffisamment large pour rendre illicite toute opération qui se réaliserait soit par le recours à la gestión de negocios (gestion d’affaires), au fideicomiso (fiducie) et en général à tout contournement par le biais d’intermédiaires.
Notons qu’il avait été communément accepté pendant de longues années que les étrangers puissent utiliser la technique de la gestion d’affaires afin de se porter acquéreurs d’une propriété située dans la « zone de sécurité frontalière » (Zona de Seguridad de Fronteras) à titre transitoire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Enfin, la Loi demande à chacune des provinces d´établir l’équivalent dans sa province de mille hectares. Fin 2014, quinze des vingt-six provinces avaient promulgué un décret qui donne, selon la zone, l’équivalent des mille hectares de la « zone centrale » (zona núcleo). A titre d’exemple, la province de Buenos Aires a réparti ses 135 arrondissements (partidos) en huit groupes avec des équivalences, dans l’ordre croissant, de 1 000 hectares (pour les arrondissements situés dans la « zone centrale »), 1 689 hectares, 2 193 hectares, 2 386 hectares, 2 987 hectares, 3 709 hectares, 4 946 hectares et 8 512 hectares. Il appartiendra donc à chacun de vérifier la superficie exacte à laquelle il a droit en fonction de la situation de ses propriétés.
- Les conséquences pour les investisseurs étrangers
Le dispositif mis en place est-il sans effet pour l’investisseur étranger qui souhaiterait acheter moins de mille hectares de terres rurales dans une des divisions sub-provinciales où le seuil fixé par la Loi n’est pas atteint ? Deux points méritent examen.
- En premier lieu, la limite légale de mille hectares a été fixée pour la « zone centrale » du pays, c’est-à-dire pour les terres à plus forte productivité agricole. La Loi charge les provinces de fixer les équivalences à ces mille hectares. Or non seulement toutes les provinces n’ont-elles pas encore fait le nécessaire (auquel cas la valeur de mille hectares est applicable) mais encore certaines ont-elles fixé des équivalences très basses, jusqu’à deux cents hectares parfois. Toutefois parfois cette subdivision permet une acquisition supérieure aux mille hectares, jusqu’à 40 000 hectares.
- En second lieu, la Loi et le Décret exigent l’obtention préalable à la vente d’un « certificat d’autorisation » (certificadode habilitación) auprès du Registre qui indiquera que les exigences légales sont respectées et que la vente pourra se faire. Il sera prudent avant toute acquisition de s’assurer d’une part des conditions de la Loi liées à la superficie concernée et d’autre part à celle plus floue relative aux ressources hydriques. Ce dernier point étant nouveau plusieurs provinces n’ont toujours pas réglementé avec précision les conditions et le processus de délivrance.
Le Registre indique que l’instruction d’un dossier se fait sous un délai de vingt jours pourvu que le dossier soit complet. Il semble toutefois ne s’agir que d’une déclaration de principe difficile à vérifier compte tenu du faible nombre de ventes concernées jusqu’ici.
En pratique, dans de nombreux cas, il pourra s’avérer difficile de déposer un dossier complet puisque celui-ci doit obligatoirement comprendre un certificat relatif aux ressources hydriques de la province. Or ce régime est nouveau et, là encore, plusieurs provinces n’ont toujours pas réglementé le processus de sa délivrance.
Enfin deux questions non négligeables vont se poser pour un certain nombre d’étrangers détenteurs ou propriétaires de terres rurales en Argentine : celle portant sur le transfert dans l’hypothèse du décès du propriétaire et celle des terres acquises avant la promulgation de la Loi à travers l’intervention d’un gérant d’affaires.
Plus généralement, le marché immobilier argentin présente aujourd’hui des attraits importants : les prix sont nettement moins élevés que ceux pratiqués non seulement dans les pays les plus industrialisés mais également dans de nombreux pays émergents comme au Brésil voisin tandis que la sécurité juridique des opérations – effectivité réelle des contrats et conservation efficace des titres – est très satisfaisante au regard de ce qui est connu dans nombres de pays à revenu intermédiaire. Si les complexités locales ne doivent pas être dissimulées (en particulier compte tenu de la réglementation précitée), elles sont loin d’être insurmontables pourvu que l’investisseur s’entoure dès le début de l’opération de toutes les précautions nécessaires.
Par un décret du 3 novembre 2014, le gouverneur de la province de Santa Fe a fixé les règles en matière d’équivalence conformément à la loi n° 26.737 fixant le régime de préservation dans le patrimoine national de la propriété, la possession ou la détention de terres rurales et limitant la propriété, la possession ou la détention de terres rurales par les étrangers. Les équivalences sont comprises entre 1 000 et 2 500 hectares. | · Province de Santa Fe Norme : Décret provincial 3873 Date : 3 novembre 2014 Texte : cliquez ici |
Par un décret du 3 novembre 2014, le gouverneur de la province de La Rioja a fixé les règles en matière d’équivalence conformément à la loi n° 26.737. Les équivalences sont comprises entre 10 000 et 40 000 hectares. | · Province de La Rioja Norme : Décret provincial 1922 Date : 3 novembre 2014 Texte : cliquez ici |
Par un décret du 9 décembre 2014, le gouverneur de la province de Neuquén a fixé les règles en matière d’équivalence conformément à la loi n° 26.737. Les équivalences sont comprises entre 500 et 5 000 hectares. | · Province de Neuquén Norme : Décret provincial 2804/14 Date : 9 décembre 2014 Texte : cliquez ici |
Enfin, par un décret du 15 décembre 2014, le gouverneur de la province de Buenos Aires a fixé les règles en matière d’équivalence conformément à la loi n° 26.737. Les équivalences sont comprises entre 722 et 4 946 hectares. | · Province de Buenos Aires Norme : Décret provincial 1102 Date : 15 décembre 2014 Texte : cliquez ici |
Ces décrets étaient attendus, les provinces de Buenos Aires et de Santa Fe étant, avec celle de Córdoba, les plus importante du pays en termes économiques, notamment agricole. Quinze des vingt-trois provinces argentines ont aujourd’hui publié les décrets d’application locaux de la loi promulguée le 27 décembre 2011 (Chaco, Chubut, Entre Ríos, Formosa, La Pampa, Mendoza, Misiones, Río Negro, San Luis, Terre de Feu, Tucumán, et maintenant Buenos Aires, La Rioja, Neuquén et Santa Fe). |
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