Les principaux régimes connus en Argentine depuis 1930
II – Les principaux régimes connus en Argentine depuis 1930
En 1931, pour la première fois[1], un contrôle des changes était institué en Argentine en réponse à ceux établis par les principaux pays européens suite à la dépression économique provoquée par la crise de 1929. Ils avaient ainsi été amenés à limiter, voire à supprimer, la liberté des transactions en monnaies étrangères. Ces restrictions avaient pour objectif, notamment, de limiter les importations de produits susceptibles de concurrencer l’industrie nationale et d’empêcher l’évasion des capitaux et des revenus taxables.
Puis entre les années 1946 et 1955, le régime mis en place par le Général Juan Perón était caractérisé par une politique économiste dirigiste conduisant à la nationalisation de nombreuses entreprises et se manifestant par la forte présence de l’Etat dans la plupart des secteurs économiques ou culturels[2] de l’Argentine.
Suivaient trente années de crise politique marquées par la proscription du péronisme, sans que l’Argentine ne regagnât son influence économique, entre dictatures militaires et gouvernements civils maintenus sous l’étroite surveillance de l’armée.
A la suite du premier choc pétrolier, en 1974, malgré les aides successives du Fonds Monétaire International (FMI)[3], la dette argentine n’avait de cesse d’augmenter, et passait de 7 000 millions de dollars en 1976 à 42 000 millions de dollars en 1982. Notons que le FMI conditionnait ses prêts à la mise en place d’une série de mesures, notamment la diminution des droits de douane, la réorganisation du système financier et la libération des mouvements de capitaux, ce qui fragilisa l’industrie nationale.
Après sept ans de dictature militaire et un régime plus libéral, le retour de la démocratie en 1983 avec l’élection à la présidence du radical Raúl Alfonsín a été suivi de désordres économiques. L’Argentine connut alors des difficultés économiques sans précédent se matérialisant à la fin des années 1980 par une hyperinflation à quatre chiffres.
En 1989, afin de faire face à la crise de la dette touchant plusieurs Etats du continent sud-américain, a été adopté le Plan Brady (du nom de Nicholas Brady, l’ex-secrétaire d’État au Trésor américain). Ce plan permit à l’Argentine d’émettre des obligations en substitution aux différents prêts contractés auprès des banques américaines. Ces « Brady Bonds » étaient libellés en dollars et émis avec une échéance de 30 ans (portant donc l’échéance à fin 2022)[4]. Ils venaient compléter les mesures prises par l’Argentine en accord avec le FMI afin de rétablir l’équilibre de ses finances.
Carlos Menem, élu à la Présidence en 1989, mit en place le système dit de currency board[5] qui organisait l’alignement de l’austral (alors monnaie officielle argentine) sur le dollar américain. Chaque dollar équivalait alors à 10 000 australs[6], puis au 1er janvier 1992 la monnaie du pays était renommée « peso » dont la valeur était à parité avec le dollar. Parallèlement, sous l’impulsion du ministre de l’économie Cavallo, était lancé un ambitieux programme de privatisation touchant la plupart des secteurs de l’économie et notamment les services publics. Ce vaste programme de privatisation incitait alors la plupart des grands acteurs internationaux à investir dans un pays dont l’inflation se trouvait enfin jugulée.
Sur le continent sud-américain, dans les années qui ont suivies, plusieurs crises ont mis à mal le modèle argentin : la forte dévaluation du peso mexicain en 1994 et celle du real brésilien en 1995 et 1998 auraient dû contraindre le peso à dévaluer, ce qui était impossible car ce dernier était arrimé au dollar américain. Le peso était donc surévalué. Le déficit commercial s’accroissait, la croissance chutait, le chômage s’installait et le pays entrait en déflation. Dès lors, anticipant une rupture prochaine du change, les déposants ont commencé à retirer en masse leurs dépôts. L’Etat peine alors à se financer et doit de nouveau solliciter l’aide du FMI qui intervient à plusieurs reprises entre 1992 et 1997[7].
Et c’est en décembre 2001[8], malgré tous ces efforts, que, sous la présidence Fernando de La Rua (1999-2001) l’économie argentine s’effondrait. Le pays subissait une crise politique majeure, en l’espace d’un mois, cinq Présidents se succédèrent à la tête de l’Etat. Cette crise de gouvernabilité entraînait l’élection de Néstor Kirchner en mai 2003. Il resta au pouvoir jusqu’en 2007.
En 2002, l’Argentine se déclarait en défaut de paiement de sa dette publique. Ce sera la source de conflits avec ses créanciers, FMI, Club de Paris, et « fonds vautours » pour plus de 10 ans[9]. Elle imposait alors à nouveau un contrôle des changes très strict et ses dettes étaient « pesifiées ». Schématiquement la valeur du peso n’est plus fixée à un dollar mais à 1,40 dollar sur le marché officiel et environ 3 dollars sur le marché parallèle.
Le 6 janvier 2002, le Parlement adoptait la « Loi d’Urgence Publique et de Réforme du Régime Cambiaire »[10]. Cette loi instaurant le nouveau régime des changes prévoyait également un contrôle des prix, des mesures modifiant les contrats financiers – notamment les prêts et dépôts bancaires et la redéfinition des concessions des services publics
Les années qui suivirent ont été marquées par un retour à une certaine normalisation économique. Les restrictions imposées jusqu’alors notamment en matière de contrôle des changes et dans le domaine du commerce international ont progressivement été réduites.
C’est en 2011 que le gouvernement de Cristina Kirchner pris la décision de réintroduire, en les renforçant, de nombreuses restrictions concernant tant le contrôle des changes que le commerce international.
Régime entre 2011 et 2015
Sous ce régime, les résidents argentins personnes physiques ou morales étaient – sauf exceptions – uniquement autorisés à acquérir ou transférer à l’étranger des devises s’ils étaient parties à une transaction transfrontalière et sous réserve de la réalisation d’un certain nombre d’autres conditions (en particulier l’obtention d’une autorisation préalable de la Banque Centrale).
En matière de commerce international, le principe de la licence automatique fut abandonné au profit du système de Declaración Jurada Anticipada de Importación (DJAI). Il s’agit d’une déclaration d’importation préalable sous serment devant les autorités douanières. L’importateur devait ainsi effectuer une déclaration préalable, censément à des fins statistiques, faute de quoi marchandises ou matériels importés ne pouvaient être libérés des douanes. En pratique, bien que ces déclarations soient apparemment correctement remplies, l’Administration refusait, sans en exposer les motifs, l’entrée des marchandises sur le territoire. Cette déclaration préalable n’était donc pas une simple procédure déclarative, mais bien une véritable demande d’autorisation.
Ces mesures, déclaration préalable ou demande d’autorisation, donnaient à l’Administration un véritable pouvoir discrétionnaire.
En ce qui concerne les importations de biens ou service, le rapatriement d’investissements à étranger, le paiement de dette d’autres procédures toutes aussi contraignantes étaient organisées qui de fait limitaient ou rendaient difficilement possible le transfert de devise à l’étranger.
Ce contrôle avait un impact sur l’ensemble de la vie économique du pays. Dans les faits, un certain nombre d’exceptions ou de moyens, tant de nature législative que résultant de la pratique, permettait d’alléger l’ensemble des mesures précitées. Ainsi, pour relancer le marché de l’immobilier, paralysé par l’absence de dollars – les transactions immobilières se font traditionnellement dans cette devise compte tenu de l’instabilité de la monnaie nationale – le gouvernement avait introduit une amnistie fiscale des détenteurs de dollars non déclarés pour l’achat de biens immeubles (nous vous renvoyons à ce sujet à notre article consacré au CEDIN[11]). Dans la pratique, l’opération « Blue-Chip Swap » ou « contado con liqui » [12] permettait l’entrée ou la sortie de devises à travers l’achat de titres cotés à la fois à la bourse de Buenos Aires et sur une autre place étrangère.
Les lettres d’information que nous diffusons n’ont qu’une valeur informative et ne constituent en aucun cas un avis juridique. Elles n’ont pas un caractère exhaustif et notre responsabilité ne saurait être engagée pour toute erreur ou omission.
[1] Acuerdos de Ministros del 14 de julio de 1931 y del 30 de julio de 1931
[2] Ley N° 12.931 – Fíjase ele presupuesto de gastos de la Nación para el año 1947 del 10 de Enero de 1947
[3] Plus de 300 millions de dollars http://www.imf.org/external/np/fin/tad/extarr2.aspx?memberKey1=30&date1key=2016-05-31
[4] Dont le montant correspondant s’élevait à 31 600 millions de dollars
[5] Ley Nº 23.928 Convertibilidad del Austral del 27 de Marzo de 1991 y Decreto 2128/91 Cambio de denominación y valor de los billetes y monedas de curso legal, a partir del 1° de enero de 1992 del 10 de octubre de 1991
[6] http://servicios.infoleg.gob.ar/infolegInternet/anexos/0-4999/328/norma.htm
[7] Dette de 4,349,276,955 dollars au 31 décembre 1997 http://www.imf.org/external/np/fin/tad/exportal.aspx?memberKey1=30&date1key=2016-06-30&category=EXC
[8] Ley 25.561 de Emergencia Pública y de Reforma de Régimen Cambiario del 6 de enero de 2002 y Decreto 214/2002 del 3 de febrero de 2002 : fin de la parité
[9] http://www.journaldunet.com/economie/magazine/faillite-de-l-argentine.shtml
[10] Loi Nº25.561
[11] http://www.patelinconseil.com/en/le-cedin/
[12] http://www.patelinconseil.com/en/mai-2015/
Latest Posts
Refinancing of Argentina’s public debt
On 6th April 2020 a Decree of Necessity and Urgency (DNU for its initials in Spanish) N°346/2020 has been published by the Argentine Official Gazette....
Conseil d’administration et Assemblée générale en Argentine / Urgence sanitaire
Le 27 mars 2020, la résolution n° 11 de l'IGJ (Inspeccion General de Justicia - équivalent Tribunal de Commerce) a été publiée au Journal Officiel ; cette...